vendredi 19 octobre 2007

Thonnard

 Voici une image concoctée de mon exemplaire du Précis d'histoire de la philosophie, de F.-J. Thonnard, publié en 1937, ré-édité en 1963, mais introuvable de nos jours. C'est le digne compagnon du Précis de philosophie, mais celui-là, je l'ai malheuresuement perdu il y a longtemps, dans un incendie.

C'est lors de mes études collégiales, à l'Assomption, que l'on m'a fait acquérir, puis connaître les deux opus magnum de Thonnard en philosophie. Le Précis de philosophie fournit avec beaucoup d'autorité une synthèse très structurée de la vision thomiste scolastique. D'ailleurs, l'abbé Gaston Corriveau nous présentait ce contenu non pas comme une approche philosophique parmi d'autres, mais plutôt comme l'expression directe d'une vérité objective et indiscutable. L'évolutionnisme (et le darwinisme) était alors populaire dans nos jeunes esprits, ce qui était à l'origine de plusieurs objections et mêmes de quelques affrontements avec notre professeur, qui nous gratifiait alors de théâtrales et convaincantes colères. À mon grand étonnement, l'abbé Corriveau m'a un jour démontré en aparté que ces éclats étaient tout-à-fait prévus, et planifiés par écrit, dans sa préparation personnelle de cours.

Quoiqu'il en soit et quoique l'on puisse penser de Thonnard, je me souviens avoir été séduit, presque conquis, par la grande extension de l'ouvrage, la consistance de ses constructions et l'élégance de ses structures (élégance qui se reflétait souvent par de jolies symétries dans le langage utilisé pour les décrire). Peu importe si j'interprétais le contenu comme une théorie ou comme la vérité, c'était pour moi un livre précieux, et j'ai été attristé de le perdre accidentellement un jour (dans l'incendie de la maison des Quintal, à Charlemagne — je l'avais en fait prêté à Marie-Andrée). Et lorsque j'ai voulu le remplacer, il y a fort longtemps, le livre était déjà introuvable, et j'en avais définitivement fait mon deuil. Alors, on peut imaginer ma surprise lorsque tout récemment, presque par hasard, j'ai trébuché sur une copie de ce livre, patiemment numérisée par Stefan Jetchick. Stefan me donne un truc pour fouiller le livre, en me fournissant la bonne clé de fouille.

Stefan me fait cette mise en garde: Mais faites attention! Je n'ai pas numérisé Thonnard pour des fins d'édition critique, mais bien pour avoir un bon Manuel de philo. Alors parfois j'ai tripoté un peu le texte (presque toujours en l'indiquant dans les notes de bas de page).

Le hasard veut aussi que j'aie connu, un peu, Karine Thonnard, la nièce de l'auteur, qui a oeuvré dans le domaine de l'éducation à Sherbrooke et dans le bas St-Laurent. Lors de conversations téléphoniques, Karine m'avait parlé un peu du caractère de l'homme et du souvenir qu'elle en avait gardé à travers les réunions de famille. Je me souviens de mon étonnement de recueillir ainsi des souvenirs projetant une image bien différente de celle que je m'étais faite.

(Karine m'avait rejoint téléphoniquement lorsque je travaillais à la GRICS, pour obtenir de l'aide technique sur quelques points précis, et de communication en communication, sur un fond courant de sympathie, nous avons fini par nous tutoyer, et jaser de plusieurs choses en périphérie de nos missions respectives. Lorsque j'ai quitté la GRICS, les occasions de nous parler ont disparu, et nous nous sommes alors perdus de vue — si j'ose dire, puisque nous ne nous sommes jamais rencontré de visu. Mais j'ai le souvenir d'une personne dynamique et bien sympathique, ainsi que d'une travailleuse impliquée et sérieuse.)

En passant, en discutant de Thonnard et de ses livres avec Stefan Jetchick, mes cours de philosophie du collège me sont un peu remontés à la mémoire. Et parmi ces souvenirs, un détail relatif à un travail sur la notion liberté, qui exigeait quelques recherches en bibliothèque. En faisant cette recherche, j'ai trouvé un livre, relativement récent (qui ne date pas du Moyen-Âge ou d'avant) affirmant sans détour que Les femmes, les animaux et les épileptiques n'ont pas d'âme. Peut-être aurais-je dû conserver la référence pour la citer correctement. Dire que j'ai lu ça de mon vivant! ☺

vendredi 12 octobre 2007

Cahier à colorier


Cette image est tirée d'une collection de dessins de ma soeur Céline, qui forment ensemble un petit cahier à colorier. Le coloriage provient de mon frère Gilles. Cliquer sur l'image pour y avoir accès, les versions originales en blanc et noir, et les versions coloriées. Céline a réalisé ces dessins il y a longtemps, peut-être en 1971, peut-être un peu plus tard. J'en ai retrouvé une copie, par hasard, en faisant l'inventaire de quelques boîtes qui ont appartenu à ma mère.

Lorsqu'elle était jeune, ma soeur Céline n'avait pas tendance à conserver les dessins qu'elle faisait, et la majorité ont été détruits. Mais il m'est arrivé d'en sauver quelques-uns, dont ce Cahier à colorier, que l'on peut rejoindre en cliquant sur l'image qui apparaît juste à côté. J'en ai fait usage pour taquiner mes confrères de travail à Dorval, tel que je l'explique rapidement plus bas, puis j'ai égaré ces images à nouveau. Mais ma mère, en avait fait une sauvegarde dans ses propres papiers, et c'est ainsi que je les ai retrouvés, par hasard.

Employé à ce moment par le Centre Météorologique Canadien (à Dorval, sur la Transcanadienne près du boulevard des Sources), il m'était venu à l'idée d'attribuer un dessin de ce cahier à chacun de mes confrères ou consoeurs de l'endroit, et d'afficher chaque dessin bien en évidence sur la porte ou à l'entrée de leur bureau respectif. Tout le monde avait été amusé par l'idée, et les dessins sont sûrement restés là un grand bout de temps.



Par exemple, l'un de mes supérieurs était connu pour sa combativité tenace à l'occasion de longues querelles avec plusieurs autres fonctionnaires de l'endroit. Bizarrement, je n'ai jamais eu de problème avec lui. Lorsque j'ai appris que, à la suite d'un miracle qui m'échappe, il avait nommé ombudsman de la place, je l'avais taquiné: Allons-donc, Zavie, ça n'est pas sérieux! Si quelqu'un devait se plaindre à l'ombudsman qu'il a problème avec quelqu'un, c'est probablement qu'il a un problème avec toi!. Ce à quoi, avec un large sourire, il m'avait répondu: Lorsque quelqu'un a un problème avec moi, il a vraiment un problème!. Alors, j'avais choisi d'afficher sur sa porte ce dessin illustrant la fable de La Fontaine. Et Zavie en était d'ailleurs assez fier, disant à tout le monde qu'il se reconnaissait tout-à-fait dans le personnage de droite!



Dans d'autres cas, je laissais la personne choisir parmi les dessins restants. La secrétaire du groupe, très gentille par ailleurs, avait été séduite par le gentil sourire de cette image représentant un escargot, et l'avait collée à l'avant de son bureau. Mais, devant toutes les taquineries que cela lui a amenées, et qu'elle n'avait pas prévues, elle est rapidement venue me voir pour savoir si elle pouvait changer de dessin!

samedi 6 octobre 2007

Les Aiguilleurs

 Les Aiguilleurs, pièce de théâtre de Brian Phelan, adaptation de Jean-Louis Roux, Théâtre du Nouveau Monde, Montréal 1979. En haut, Jacques Godin (rôle d'Alfred) et Guy Provost (rôle d'Albert). En bas, Christian St-Denis (rôle d'Edward). En médaillon, Jean-Louis Roux pour la mise en scène.

Dans ces années-là, je suivais avec intérêt plusieurs des activités culturelles que m'offrait la ville de Montréal, dont entre autres, celles du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), qui logeait alors sur la rue Ste-Catherine, tout près de Bleury. En fait, étant un habitué du TNM depuis plusieurs années, j'avais acquis avec le temps le droit à d'excellents fauteuils dans la place. Par les discussions d'après-théâtre, et à d'autres occasions aussi, la secrétaire administrative du TNM et moi avions développé une sorte de sympathie. Devant mon intérêt et mon enthousiasme, elle m'a présenté à Jean-Louis Roux, alors directeur artistique, qui m'a rapidement invité, si je le désirais, à suivre toutes les étapes de la mise-en-scène d'une nouvelle pièce.

C'est ainsi que je me suis retrouvé, invité comme observateur, dès la première lecture du texte de la pièce Les Aiguilleurs, de Brian Phelan, avec les illustres Guy Provost et Jacques Godin, et aussi Christian St-Denis, dont le métier commençait alors. Et Jean-Louis Roux, bien sûr, qui allait assurer la mise en scène. J'avais reçu, comme les acteurs de la pièce, une copie du texte, traduit de l'anglais et adapté au québécois par Jean-Louis Roux (qui faisait à l'époque ce travail de traduction et d'adaptation pour plusieurs de pièces de théâtre). C'était dactylographié sur environ deux cent pages, d'une manière très aérée pour permettre annotations et corrections, à large interligne et d'un seul côté des pages en format papier ministre. (De nos jours, on utiliserait sûrement des traitements de texte.) Je me souviens encore de la sobriété de ce cahier, non identifié, non daté, et boudiné entre deux pièces de gros carton noir.

Ce petit groupe de cinq personnes se rencontrait régulièrement, parfois plusieurs fois par semaine, dans une école désaffectée quelque part dans Saint-Henri (si je me souviens bien), que le TNM utilisait pour les répétitions, l'entreposage, la construction des décors, etc. J'ai vu le professionnalisme, le travail d'équipe, le développement et l'affermissement des personnages chez les acteurs, et les petits mais multiples changements au texte pour augmenter la crédibilité de l'ensemble. Et les discussions relatives aux décors et artifices techniques exigés par la pièce. Par exemple, à un moment donné de la pièce, une maquette ferroviaire, savamment construite par Alfred, est démolie par Edward. Mais s'il avait fallu construire autant de maquettes que la pièce allait avoir de représentations, les coûts de décor auraient été exorbitants. La solution retenue a été de construire une "maquette démolie" et de la coller en-dessous du plan de la maquette originale, donc invisible du public. Par une astuce d'éclairage au moment approprié, le plan est basculé à l'insu des spectateurs, la maquette démolie apparaît, et la maquette originale se retrouve à son tour en-dessous, et invisible.

Les jours de répétitions, sur l'heure du midi, Christian et moi avions pris l'habitude de partager nos repas dans un restaurant plus modeste, ce qui m'a permis non seulement de le connaître un peu mieux, mais aussi de saisir le sens des aspirations et des ambitions des gens du milieu. Certains souvenirs relatifs à cette expérience seraient longs à expliquer, et surprendraient peut-être quelques-unes des personnes impliquées — le monde est vraiment plus petit qu'on ne le croit ☺. Quoiqu'il en soit, je me trouve très chanceux que l'on m'ait offert cette opportunité d'observer et de mieux comprendre.